Suite à une sortie sur le Plateau de
Saint-Barnabé le 10 juin 2011 (Sortie55)
Elle a créée pour l'association Sentiers et
Villages des Baous une légende :
La
Légende de Tranquillina
CHRONIQUES DE LA VIE VENCOISE 1930-1975
ANNE VEROTS-GUILBAUD
La MJC naît de la volonté d'une poignée de personnes, sous l'impulsion d'une jeune conseillère municipale.
«J'assiste à une projection au ciné-club de la paroisse. Il n'y a que
quatre ou cinq spectateurs dans la salle et, derrière moi, j'entends
cette phrase : «Y'a jamais un rat. On ne fait rien pour les jeunes ici!»
Cette réflexion me donne à réfléchir. En tant que toute nouvelle
conseillère municipale, je me dois de réagir, je me sens responsable...
J'engage immédiatement la conversation avec les jeunes gens et cela
s'avère très constructif. Il est évident qu'ils ont envie de faire
quelque chose de concret, ils ont des idées, de la volonté et un grand
besoin d'une nouvelle structure, plus dynamique, plus adaptée à leurs
besoins.
La première chose à faire, c'est de trouver un local, ce qui n'est pas
évident. Quelqu'un nous dit : «Je connais bien un local où on met les
poubelles, y'a que des chats et des rats!» Je me renseigne, c'est le
vieux moulin à huile qui sert d'entrepôt à la municipalité.
Nous nous rendons ensemble chez M. le Maire et nous réussissons à le
persuader de nous suivre pour voir ce local. Le toit s'écroule, les
planchers sont en partie effondrés. Dans la salle des pressoirs, des
bancs publics s'entassent au milieu d'autres objets hétéroclites. Le
maire, méfiant, nous répond : «Mais avec quel argent ferez-vous les
travaux ?» Nous le tranquillisons : beaucoup de personnes de bonne
volonté peuvent nous aider, des maçons, des électriciens, un
architecte... Tous nous disent la même chose : «Je ne suis pas riche
mais si je peux aider...»
Alors, M. le Maire nous répond : «Bien. En ce qui me concerne, je vous
suis tout acquis mais faites le tour des conseillers pour plaider votre
cause.»
L'un d'entre eux m'interroge : «Avez-vous demandé à Monsieur le maire ?
Parce que je ne ferai jamais rien contre l'avis de Monsieur le maire
!»
L'octroi du moulin à huile comme local pour les jeunes est voté au
Conseil Municipal le 5 mars 1965, à l'unanimité moins la voix de M.
Dandréis qui déclare s'abstenir.
M. Dandréis déclare : «La raison de mon abstention est la suivante : Si
je suis entièrement d'accord pour que l'on s'occupe de la jeunesse,
m'en occupant moi-même, je ne suis pas d'accord sur le lieu car lors
d'une réunion de la commission extra-municipale, il avait été convenu
sur ma proposition que le moulin serait remis en valeur pour y faire le
musée lapidaire et des expositions diverses, ce qui aurait permis un
attrait supplémentaire pour les touristes, le deuxième moulin pouvant
très bien être utilisé par ce groupement.»
En Mai 1966, en accord avec le maire, l'Association du Moulin de la
Jeunesse est officiellement constituée en Maison des Jeunes et de la
Culture.
page 251
«Ce qui est
formidable, c'est que, dans une MJC, on demande aux jeunes de
participer. Ce sont eux et les diverses associations bénévoles qui
créent la vie et les activités de la "maison".
Dès qu'on a réussi à dégager la salle et à
aménager un peu les locaux, Monsieur Large, Pdg des cafés du même nom,
nous offre tout le mobilier d'un débit de boissons en rénovation: les
banquettes en moleskine, les tables, même la machine à café. Ce don
nous permet d'ouvrir le foyer, d'organiser quelques "boums", bien
sagement l'après-midi. Des boums, ça n'inspire pas confiance aux
parents mais les jeunes sont ravis: enfin un endroit où se retrouver,
discuter, s'amuser.
Ensuite, nous organisons des bals, des
rallyes surprises récompensés par les dons des commerçants ou de
particuliers généreux, des sorties neige, spéléologie, soirées
poétiques, journées cyclistes, réunion d'information, tables rondes,
film-débat, des débats sur des sujets très divers : peine de mort,
pilule, etc... Bien sûr, ça ne plaît pas à tout le monde,
mais...»
«Il y a des jeunes qui traînent dans la rue.
Il faut canaliser leur énergie. J'accepte de rester tard le soir et de
leur proposer des activités. Nous commençons par un club de billard, ce
qui les attire. Les soirées se passent toujours de manière bon-enfant,
ils sont heureux d'avoir un lieu pour eux. Ces jeunes s'intéressent au
supra-rationnel... On essaie de faire tourner les tables, mais ça ne
marche pas... Puis un jour, ils entendent parler d'une chose bizarre:
tous les soirs, au Col de Vence, on voit une petite flamme briller dans
la nuit. Je les emmène là-haut et nous montons la garde. Toutes les
hypothèses sont émises mais rien ne se passe. Nous partons faire un
tour au Village Nègre, et lorsque nous revenons sous la maison
cantonnière, la flamme est allumée. C'est une mèche flottante, posée
dans la niche d'un petit oratoire. Nous y retournons plusieurs soirs de
suite, établissons un tour de garde... et finissons par voir celui qui
vient mystérieusement tous les soirs et éteindre tous les matins cette
petite flamme...
Nous n'avons jamais su pourquoi il
faisait cela mais le soir de la Saint-Sylvestre 1971, son appartement a
pris feu. On l'a vu parti en courant, effrayé... Il n'est jamais
réapparu. Les pompiers, les spéléologues l'ont cherché en vain. Il a
complètement disparu.»
«La MJC manque d'argent : nous décidons
d'organiser des soirées. Nous montons un spectacle qui a pour nom
"Variations". Il marche tellement bien que nous le donnons durant toute
une année. Ce spectacle nous donne l'occasion de faire des affiches et
nous ouvrons un atelier de sérigraphie qui passionne les jeunes, et
ainsi de suite...
Lorsque les gens se rendent compte que les "voyous" font des choses bien, ils sont attirés et commencent à venir eux aussi.
On fait des "soirées-bouffe" dans lesquelles
chacun apporte quelque chose, un plat, une boisson. Il n'y a
jamais de casse, c'est très convivial.
Des cours d'alphabétisations pour les
étrangers sont organisés, des cours de poterie... La MJC, c'est
formidable. On s'y retrouve tous, on y va quand on veut, on s'y sent
bien. Les cotisations pour les activités sont peu élevées, à la portée
de tous.»
A la demande de Cécile Lenoir, Marcel Pagnol accepte d'en devenir Président d'Honneur.
«Au bout de trois ans de travail incessant,
nous sommes tous épuisés. Le maire accepte de nous donner la
possibilité d'engager un directeur qui pourra s'occuper de la Maison à
temps plein. Nous passons le relais, mais l'esprit demeure.»
Le maire de Vence, Jean Maret complimente les membres de la Maison des Jeunes :
«Elle n'est pas très grande, elle n'est pas bien riche, mais il y règne une chaleur humaine incomparable.»
(La MJC compte en 1976, mille adhérents.
Elle est fermée en 1985, sur volonté municipale, après vingt années
d'existence et un Centre Culturel la remplace...)
Cette année 1966, la municipalité acquiert
le vaste terrain de la Ferrage pour y édifier un Centre culturel et
sportif mais, le projet s'avérant d'un coût trop élevé, on vote un
emprunt communal pour l'achat de préfabriqués qui seront aménagés à la
Ferrage de manière à ce que les jeunes puissent oeuvrer comme ils le
désirent. Ces préfabriqués, finalement, serviront de local pour le
judo-club et le ski-club...
page 252